Améliorer la prononciation de son enfant (2e partie) Le transfert dans les phrases et la parole spontanée
Au cours du dernier article traitant de la prononciation (lien vers l’article), je vous ai révélé les 3 premières étapes de la « recette magique » des orthophonistes pour travailler cet aspect du langage. Une fois que nous nous sommes assurés que l’enfant peut entendre et prononcer un son, il faut l’amener à le dire de manière isolée, puis en combinaison avec différentes voyelles.
Enfin, la troisième étape est de le faire pratiquer le son au début, à la fin et au milieu des mots. Une fois ces étapes bien réussies, nous pouvons alors passer aux deux dernières qui assureront une maîtrise suffisante pour maintenir la bonne prononciation dans la parole de tous les jours. Ces étapes sont :
4. Transférer la bonne prononciation dans les phrases.
5. Maintenir la prononciation du son dans la parole spontanée.
Étape 4 : Transférer la bonne prononciation dans les phrases
Bien souvent, lorsque nous sommes rendus à cette étape, l’enfant est capable de faire le son ciblé lorsqu’il sait qu’on travaille ce son, mais semble l’oublier dès qu’il doit dire une phrase. Sachez d’abord que c’est tout à fait normal. Lorsqu’une tâche se complexifie, l’enfant retourne parfois à ses anciens automatismes.
C’est pour cette raison que l’étape du travail de la prononciation dans une phrase est si importante. On doit amener le cerveau de l’enfant à maintenir la bonne prononciation même s’il ne peut pas prévoir à quel endroit le son arrivera dans l’énoncé à dire.
N’oubliez pas que l’enfant doit enchaîner plusieurs sons différents pour faire une phrase, ce qui implique le contrôle et la coordination de plusieurs muscles. Cela peut être une grosse étape à franchir alors encore ici, de la pratique et des encouragements sont de mise.
Au début, on amènera l’enfant à intégrer les mots appris dans de courtes phrases simples et répétitives. C’est alors plus simple pour l’enfant, pour commencer, de savoir où concentrer ses efforts. Par exemple, avec des images prédécoupées que l’enfant collera sur une feuille de papier, on l’invite à utiliser l’expression « Je colle… X » en disant le mot ciblé.
Parent : Moi, je colle une fourmi ici.
Enfant : Moi, je colle une feuille.
Parent : Ok. À mon tour… je colle un foulard.
Enfant : Je colle une fille.
Des débuts de phrases comme Je vois …, Je cherche…, J’ai pigé… ou Je colore… se prêtent bien à cet exercice au travers une séance de coloriage ou d’un jeu de type « cherche et trouve ».
Par la suite, lorsque l’enfant réussit facilement à maintenir la bonne prononciation dans ces phrases plus faciles, on l’amène à utiliser des énoncés plus variés et différents. Ce que je conseille souvent de faire aux parents des jeunes que je vois en clinique, c’est de s’amuser à inventer des phrases avec les mots déjà pratiqués auparavant.
Par exemple, avec une image d’une fourmi, l’adulte peut demander à l’enfant de répéter la phrase « J’ai vu une fourmi ce matin. » Lorsque l’enfant est âgé de 4 ans ou plus, on peut même lui demander de trouver lui-même une phrase avec le mot. On reste alors attentif s’il prononcera correctement le son ciblé (ici, le F), et s’il réussit, on le félicite : « Bravo! Tu as bien dit le F dans « fourmi », tu es rendu champion! »
D’un autre côté, en cas d’erreur, on peut alors lui faire un rappel ou simplement faire semblant qu’on n’a pas bien compris le mot contenant le son ciblé en lui posant une question sur sa phrase…
Enfant : La pourmi mange une peuille.
Adulte : Mmmm… Je pense que je n’ai pas bien compris…
Enfant : La fffourmi mange une peuille.
Adulte : Écoute bien le petit son F…dans ffffeuille. Qu’est-ce qu’elle mange, la fourmi? »
Enfant : Une fffeuille.
Encore ici, s’il réussit, on le félicite. S’il reste avec la « mauvaise » prononciation, on souligne l’effort et on passe à l’image suivante en redisant nous-même le mot manqué. (bon moment pour montrer une vidéo de tout ça!)
Attention, attention! Souvent, à ce moment, l’enfant qui présente des difficultés de prononciation sur plusieurs sons fait des erreurs sur les autres sons que celui qui est travaillé. Ne corrigez surtout pas ces autres sons en même temps! Ce n’est pas le moment.
Il faut rester concentré sur l’objectif en cours, même si d’autres difficultés ressortent. L’adulte doit alors ignorer les autres « erreurs » et encourager ou corriger seulement le son que l’on travaille au moment de l’activité. Par exemple, avec les mêmes énoncés que plus haut :
Enfant : La pourmi manze une peuille.
Adulte : Mmmm… Je pense que je n’ai pas bien compris…
Enfant : La fffourmi manze une feuille.
Adulte (ignorant que l’enfant a changé le ge pour ze dans « mange »: Oui!!! Bravo!! Tu as bien pensé à faire le son F dans tes mots. Super!
Les autres difficultés seront alors notées et travaillées ultérieurement. Sans cela, l’enfant pourrait devenir confus et ne plus savoir à quoi faire attention lorsqu’il pratique avec vous.
Étape 5 : Maintenir la prononciation du son dans la parole spontanée
La dernière étape de toute, c’est ce qu’on appelle « la généralisation » en orthophonie. Parfois, certains enfants y arrivent d’eux-mêmes, sans que l’on ait à la travailler spécifiquement.
D’autres, toutefois, doivent être guidés et encouragés à continuer à faire attention à la bonne prononciation à travers leurs activités de tous les jours. Ainsi, le truc le plus simple que je propose aux parents est de choisir un mot ou une phrase qu’eux ou leur enfant utilise souvent au quotidien.
Lorsque ce mot ou cette phrase se présente dans leur journée, ils doivent porter une attention particulière à la prononciation de leur enfant et renforcer la bonne prononciation lorsqu’elle se présente.
Si l’enfant revient à son « erreur » d’avant, je leur conseille de faire comme s’ils n’avaient pas compris. Dans ce cas, cela rappelle à l’enfant qu’il doit changer sa manière de dire le mot, et régulièrement, il se reprend de lui-même et corrige sa prononciation. C’est presque magique! 😉
Magique, peut-être, mais pas infaillible…
Comme vous avez pu le constater, travailler correctement la prononciation d’un enfant ne se fait pas n’importe comment. Il est souvent nécessaire de suivre une séquence précise d’étapes qui fonctionne généralement très bien lorsqu’un enfant présente un simple retard dans son développement du langage.
Dans le meilleur des mondes, ce travail devrait être supervisé par des personnes connaissant bien le développement normal de la parole et du langage, de même que ses troubles. Par contre, nous savons aussi que les services en orthophonie sont souvent longs à obtenir et pas toujours facilement accessibles.
En vous révélant cette « recette magique », j’ai pensé qu’en connaissant ces étapes, cela pourrait permettre à un parent inquiet de faire ses propres essais de manière plus appropriée et que de cette façon, s’il y a amélioration, cela ne peut qu’aider un enfant vivant de légères difficultés.
D’un autre côté, gardez toujours en tête que la magie, ça existe dans les films et dans les livres, mais… pas vraiment dans la vraie vie. Ainsi, si votre enfant présente des difficultés de prononciation et que vous ne voyez pas d’améliorations malgré les différents conseils proposés ici, il est fort probable que votre enfant ait besoin de services plus spécifiques avec une orthophoniste.
N’hésitez pas à faire des démarches en ce sens, et surtout, lors de la première rencontre avec l’orthophoniste, faites-lui part de ce que vous aurez essayé. Votre travail et vos observations l’aideront dans son travail et elle pourra probablement continuer les étapes à partir de celles où vous étiez rendus. Ça fait partie de la collaboration parent-intervenant!