Améliorer la prononciation de son enfant : De la sélection du son à la pratique des mots (partie 1)

 

Quand je parle de prononciation avec un parent pour la première fois, souvent, celui-ci mentionne que son enfant est capable de faire le son en question lorsqu’il lui fait répéter un mot après lui, mais dès qu’il doit le dire de lui-même, l’enfant n’y arrive plus.

Saviez-vous que ceci est tout à fait normal, et que ce n’est pas parce que l’enfant ne fait pas attention ou qu’il est paresseux?  Cela veut simplement dire que le son n’est pas complètement maîtrisé.  En effet, lorsqu’un son n’est pas acquis naturellement par un enfant, il doit être travaillé selon une séquence d’exercices spécifiques, et dans un ordre bien établi. 

C’est selon cet ordre que les orthophonistes travaillent la prononciation d’un nouveau son et c’est cette « recette magique » que je vous présenterai ici.  Les principales étapes sont les suivantes :

  1. Mettre en place les conditions gagnantes avant le travail.

  2. Travailler la prononciation du son seul, puis avec une voyelle.

  3. Intégrer le son à différents endroits dans les mots.

  4. Transférer la bonne prononciation dans les phrases.

  5. Maintenir la prononciation du son dans la parole spontanée.

 
prononciation exercices

exercice de prononciation avec une orthophoniste

 

Étape 1 : Mettre en place les conditions gagnantes avant le travail

 

a)    Bien sélectionner le son

Avant de demander à un enfant de bien prononcer un son, il faut d’abord s’assurer que ce son fait partie des sons qu’il peut connaître et dire à son âge. En effet, travailler la prononciation du son R avec un enfant de 3 ans, c’est un peu comme demander à un enfant de 8 mois d’apprendre à marcher. C’est trop tôt.

L’enfant peut ne pas avoir la maturité neurologique et musculaire nécessaires pour pouvoir faire le son. Pour avoir une idée de ce qui est normal ou non dans le développement des sons, nous vous invitons à vous référer au tableau d’acquisition que nous avons mis à votre disposition

 
 

En téléchargeant la fiche vous aurez également accès à un guide d’auto-évaluation des objectifs de prononciation.

 
 

b) Vérifier l’audition

L’autre élément dont il faut s’assurer, c’est que l’enfant entend bien le son qu’on veut lui faire prononcer, et qu’il peut le distinguer de certains autres sons qui lui ressemblent.  Par exemple, les sons F et S sont très semblables au plan auditif et sont parfois des sons difficilement entendus par des enfants ayant une perte d’audition en hautes fréquences. 

La meilleure chose à faire pour s’assurer que votre enfant entend bien tous les sons, c’est de lui faire faire un test d’audiologie à un hôpital ou dans une clinique privée.  Sans cette certitude, vous pourriez demander à votre enfant de travailler un son qu’il n’entend même pas clairement, ce qui augmentera la difficulté du travail et créera un sentiment de frustration et d’échec autant pour lui que pour vous.  

Seule une évaluation auditive peut nous confirmer la qualité de l’audition.  Plusieurs enfants semblent très bien entendre, mais ne captent pas certaines subtilités.  On ne se doute souvent de rien… alors vaut mieux ne pas ignorer cette étape.

 
test audition pour prononciation

La meilleure chose à faire pour s’assurer que votre enfant entend bien tous les sons, c’est de lui faire faire un test d’audiologie.

 

c)    Exagérer le son ciblé

Enfin, une fois que nous sommes certains que la base est bien en place, il est bon de commencer par bombarder les oreilles de l’enfant du son ciblé.  Pour ce faire, il s’agit de mettre en évidence le son choisi lorsque vous lui parlez au quotidien. 

Étirez le son dans les mots, chaque fois que vous le prononcez.  Par exemple, pour le son F, cela ferait : « Regarde Ffffélix!  Il y a une fffffourmi qui transporte un morceau de fffffffromage par terre! ». 

Plus l’enfant entendra souvent le son qu’il doit apprendre, plus son cerveau pourra l’enregistrer correctement.  Il est même possible que votre enfant tente de répéter les mots après vous en se corrigeant lui-même.  Si c’est le cas, félicitez-le, mais surtout, ne lui demandez pas de le faire…  ça aussi, ça fait partie de la recette.  😉

 

Étape 2 : Produire le son seul et avec une voyelle

 

Après quelques jours de bombardement auditif, votre enfant devrait alors être prêt à faire quelques exercices plus spécifiques pour corriger sa prononciation.  En premier, demandez à votre enfant de faire le son seul.

Souvent, en lui demandant de regarder votre bouche et en prononçant correctement le son vous-même, l’enfant est capable de placer lui-même sa bouche comme vous et de faire le même son.

Ensuite, il faut l’amener à dire de simples syllabes avec ce son, en le combinant avec des voyelles.  Pour vous aider à faire ces syllabes, nous vous avons préparé un petit tableau qui facilite la combinaison avec les voyelles les plus fréquentes.  Ainsi, toujours avec le son F en exemple, on l’amènera à répéter après nous les syllabes FA, FE, FI, FO, FU et FÉ, une à une. 

 
petit tableau qui facilite la combinaison avec les voyelles les plus fréquentes

Petit tableau qui facilite la combinaison avec les voyelles les plus fréquentes.

 

Pour faire cet exercice, choisissez un jeu simple que votre enfant aime et qui ne nécessite qu’une action rapide à faire entre chaque action (ex : lancer une balle dans un panier).  Vous donnez le modèle de la syllabe à dire à votre enfant en lui montrant votre bouche (ex : FA), et vous pointez sa bouche à lui pour qu’il le dise à son tour.  S’il réussi comme vous, vous le félicitez et lui permettez de faire l’action du jeu (ex : Oui, bravo, c’est ça. Ffffa!  Tu l’as bien dit. Tu peux lancer la balle.)  S’il n’a pas été capable, vous lui redonnez le modèle …

Enfant : ffffPa

Adulte : Ah… tu y étais presque, essaie encore: Fffffa

Encore ici, en cas de réussite, il peut faire l’action du jeu.  S’il ne réussit pas, on encourage alors son effort et on le laisse jouer son tour…

Enfant : ffffPa

Adulte : Ahh, c’est bien. Tu as bien essayé.  Tu peux jouer.

 
 

La fois d’après, on propose une autre syllabe et le jeu continue ainsi.

Il peut arriver que cette étape soit facile pour l’enfant et que le tout roule rondement.  Par contre, cela peut aussi prendre quelques pratiques avant qu’il ne réussisse (la magie, ça n’existe malheureusement que dans les livres…).  

Dans ce cas, assurez-vous que l’activité est plaisante pour l’enfant malgré ses difficultés et s’il n’arrive pas à se corriger après 2 ou 3 séances, laissez tomber.  Vous reprendrez dans un mois ou deux.

 

Étape 3 : Intégrer le son à différents endroits dans les mots

 

L’étape suivante est d’amener l’enfant à utiliser le nouveau son appris dans des mots. Au début, il faut choisir des mots qui commencent par ce son, comme Fourmi pour le F.

 L’enfant pourra alors se concentrer sur le placement de ses lèvres, sa langue et sa bouche, et ainsi les placer correctement avant de commencer à dire le mot.  C’est ce qui est plus facile.

Tout comme pour les exercices avec les syllabes, on demande à l’enfant de dire un mot en lui donnant le modèle, et lorsqu’il réussit, il peut faire une action du jeu choisi.

Lorsqu’il est rendu habile avec le son au début des mots, on passe ensuite avec des mots qui finissent par ce son (comme « œuf ») et en dernier, par ceux dont le son est au milieu du mot (comme « enfant »).  En effet, devoir pratiquer un son au début ou à la fin d’un mot demande moins de concentration que de devoir le faire au milieu. 

 
prononciation début de mot milieu et fin

Pratiquer un son au début ou à la fin d’un mot demande moins de concentration que de devoir le faire au milieu. 

 

Pour pouvoir dire qu’un son est maîtrisé dans les mots, un enfant doit pouvoir prononcer tous les mots correctement dans toutes les positions travaillées, sans avoir à faire un effort ou devoir y penser.  Tant qu’il n’y arrive pas de manière systématique, il ne sert à rien d’aller plus loin. 

Il va sans dire que cette étape peut être plus longues que les deux précédentes.  La pratique régulière est donc de mise, de même qu’une bonne dose de patience.  Cela prend aussi une bonne banque de mots avec des images et des objets pour pouvoir la travailler. 

Pour vous dépanner, nous vous avons préparé des fiches pratiques avec quelques sons souvent travaillés auprès des jeunes enfants (CH, S et R), avec des images ayant ces sons dans les 3 positions ci-haut mentionnées.  Vous pouvez aussi trouver des images et des objets ayant le son ciblé dans votre maison afin de vous créer un jeu pour faire ces exercices avec votre enfant.

 
prononciation son S

Exemple de fiche à télécharger

 
 

À vous de jouer!

 

Vous avez maintenant en mains les ingrédients et les premières étapes de la « recette magique » des orthophonistes pour travailler la prononciation.  Il est temps de vous laisser expérimenter cette première partie avant de vous donner des indications pour la suite.  Un peu comme la recette d’un pain pour lequel on doit faire la pâte et la laisser reposer avant de la cuire, je vous laisse intégrer ces premières étapes avant de vous entretenir sur la partie finale : le transfert du son dans les phrases et le discours.  D’ici là, n’oubliez pas l’ingrédient magique essentiel: avoir du plaisir avec votre enfant.  Bonne pratique!